LES NOUVELLES TECHNOLOGIES ET LE DIGITAL DANS L'UNIVERS DE LA MODE
Les expérimentations technologiques de 2019 et début 2020 deviennent de plus en plus matures menant à des meilleures pratiques construisant une certaine fidélité de la part des clients. Cette année a été le témoin de tests de nouvelles technologies et du développement de nouveaux business model à la fois de la part de marques de mode et de revendeurs.
Mais comment résoudre le paradoxe de la demande constante de nouveauté et de personnalisation de la part des consommateurs avec les limites environnementales ?
Ci-après, quelques pistes démontrant comment l’inclusion des technologies dans cette industrie si singulière qu’est celle de la mode peut apporter du positif face aux challenges actuels auxquels elle fait face.
La transformation digitale au sein du processus de création et de production est vu à la fois comme une opportunité et une menace. Évidemment, cela dépend du point de vue adopté. Les menaces perçues résident dans la sécurité de l’emploi, la créativité et la perte de la « touche émotionnelle » de l’humain. De l’autre côté, les opportunités se trouvent dans le gain de temps, d’argent, une augmentation de la profitabilité mais également dans le gain de durabilité incluant la baisse des déchets textiles et des rejets de produits chimiques, de l’émission carbone que représente le transport inutile lié aux nombreux prototypes.
En effet, la mode a besoin d’une plateforme permettant de lier la chaîne de production avec les designers et ce, sans changer leur manière de créer que ce soit en délaissant leurs manuels de design, d’illustration et technique au profit de souris et claviers. En prenant l’exemple d’une digitalisation réussie au sein de l’entreprise Dreamwork, les designers se sont vu remettre des tablettes et stylos leur permettant la numérisation de chacun des croquis et d’étendre le champ des possibles grâce à l’accès à une multitudes d’options concernant les couleurs, textures et effets. Cette solution a permis aux designers d’étendre leur boîte à outils et possibilités plutôt que de tout changer.
Dès demain, l’ensemble du processus créatif de la marque Tommy Hilfiger, allant du sketching, en passant par le prototypage, jusqu’à la présentation showroom sera effectuée en design 3D par le biais d’outils laissant l’impression que le travail est plus facile, plus fluide, laissant encore plus de place à la créativité. Les technologies intégrées doivent donner l’impression de disparaitre. La clé du succès de la digitalisation réside dans « l’Human-Centricity ». D’ici 2021, la majorité des articles de la marque américaine seront uniquement existants numériquement jusqu’à l’apparition sur les défilés ou la vente commerciale. La promesse d’une digitalisation totale réside sur la baisse des déchets, une économie financière et l’augmentation de la vitesse d’arrivée des produits sur le marché. Les consommateurs seront également capables d’essayer les produits à travers les vitrines de la marque en utilisant la réalité augmentée, mais également d’acquérir et d’habiller des avatars en ligne en achetant des versions digitales des produits.
Il sera peut-être possible dès demain de créer et d’imprimer un t-shirt ou une robe à partir de son salon grâce à la technologie de l’imprimante 3D. L’impression 3D est utilisée depuis déjà des années dans certains domaines tels que la science ou bien encore l’architecture, mais son utilisation s’étend désormais à de nombreuses autres industries dont celle de la mode avec comme pionnière la célèbre Iris Van Herpen et ses créations sculpturales. L’impression 3D ou bien encore la fabrication additive permet de fabriquer par un processus de couches de matières recouvrant d’autres couches, allant à l’encontre des méthodes de fabrications traditionnelles reposant sur l’assemblage. Un des avantages de l’utilisation de cette technologie est qu’elle permet d’élargir les possibilités en termes de création sans être limitée par des coupes ou design qui peuvent apparaitre comme étant compliqués à produire. Celle-ci permet d’innover en termes de techniques, matériaux utilisés et idées créatives. En effet, puisque ces dernières peuvent être concrétisées en quelques minutes, contrairement à la production classique, le designer peut facilement recommencer ou développer une nouvelle idée s’il n’est pas satisfait. Les raisons du grand intérêt pour cette technologie sont multiples : une nouvelle liberté de conception, une fabrication rapide des prototypes et surtout une réduction des coûts relatifs au stockage et à la logistique.
Cependant, l’impression 3D donne lieu à de nombreuses discussions controversées sur le sujet tels que la question relative au droit d’auteur et à la protection des droits de propriété intellectuelle. Les fabricants de contrefaçons et autres particuliers pourront faire très rapidement des ravages sur le marché en se dotant d’une simple imprimante 3D ainsi que d’une modélisation numérique des produits qu’ils souhaitent copier.
Les marques de mode cherchent plus que jamais un moyen de naviguer dans cette transition en transférant leur niveau de service proposé en magasin vers les différentes plateformes digitales. Plus que jamais, le service client est une ressource cruciale afin d’assurer la fidélité client. Lors d’un achat en ligne, la raison principale de retour concerne un problème de sizing taille. Pour faire baisser le taux de retours, les grands groupes de mode proposent sur leur site un logiciel d’aide à la taille. Les clients saisissent leur taille et leur poids, des données traitées parallèlement aux historiques d’achats et de retours.
Cette digitalisation, d’autre part, permet de répondre à la question de la non-durabilité que pose les retours gratuits. Alors que de plus en plus d’achats sont effectués en ligne, la politique de retours permettant au consommateur de changer d’avis 10 fois sans impact direct pour celui-ci, pose deux problèmes majeurs : celui du restockage et de la vérification manuelle des articles d’une part, et d’autre part l’impact des émissions carbones et des déchets que produisent l’acheminement dans les deux sens.
Au même moment, le concept d’offrir des produits digitalement a été introduit l’année dernière utilisant la réalité augmentée permettant aux consommateurs « d’essayer » ces derniers chez eux. C’est la Maison Gucci, du groupe Kering, qui a introduit une nouvelle fonction au cœur de son application disponible sur iOS, permettant aux utilisateurs de virtuellement « essayer » ses sneakers Ace, un de leur best-sellers. Ce développement a pour but de présenter le plus rapidement possible les nouveaux modèles de la collection aux consommateurs et ce, où qu’ils se trouvent. De plus, cette application leur permet de prendre en photo et de poster leurs modèles favoris sur les réseaux sociaux : moyen simple et rapide de conjuguer engagement client, culture Instagram et durabilité.
L’intégration des nouvelles technologies dans l’univers de la mode pousse la tendance encore plus loin avec Louis Vuitton expérimentant le design numérique avec le monde du gaming. Étant le pionnier dans son milieu, la Maison a collaboré avec League of Legends à l’occasion de la World Championships se tenant à Paris : une exceptionnelle malle contenant le trophée a été entièrement designée par son directeur artistique, Nicolas Ghesquière. En s’associant avec l’éditeur et développeur américain de jeux-vidéos Riot Games, la maison française fait une incursion réussie dans le monde de l’e-sport. Néanmoins, même si la marque de luxe vise la culture populaire, les prix restent eux relativement élevés.
Par ces collaborations, la Maison démontre une fois de plus que le luxe est un phénomène accompagnant l’histoire de l’humanité. En effet, comme il est connu, chaque société et être connait sa propre définition du luxe, évoluant avec les courants et contextes socio-économiques. Souvent associé à l’idée d’expérience de vie et de qualité de vie, c’est dans un contexte de mondialisation et de digitalisation que celui-ci s’inscrit et va s’inscrire dans cette époque. C’est pourquoi le luxe ne cesse de gagner de nouveaux secteurs, populations et tranches d’âge. A noter que l’exercice habile qu’opèrent les marques de luxe réside dans le fait de proposer et de faire cohabiter d’une part, des produits inaccessibles, et d’autre part, démocratisés.
Réalité augmentée, vêtements connectés ou encore la blockchain continuent à se développer tandis que la location, la revente et le marketing des influenceurs connaissent une croissance exponentielle. Face à la pression que connait l’industrie de la mode concernant la question de la durabilité, l’utilisation du digital et des technologies apparaît non pas comme une option, mais comme une obligation.