"Je m’adresse à des gens qui veulent s’assumer, ne pas se prendre la tête, ni se prendre au sérieux. Il faut avoir envie de s’amuser, être vivant, aimer la vie pour porter mes créations. Je veux parvenir à instaurer un art de vivre joyeux et optimiste avec ma marque. Mes inspirations sont folles, et mes créations visent à attirer les gens un peu loufoques."
Je m’appelle Océane, j’ai fait mes études à Esmod Roubaix. Je suis la créatrice de Chewingum Prémâché, et je travaille énormément sur ce projet. Durant mon adolescence, j’étais plutôt très sportive et je ne m’intéressais pas du tout à la mode. Je dirais que ma passion est née à travers l’univers du manga. Le manga m’a fait découvrir la culture japonaise, les street looks de Tokyo. J’ai découvert ESMOD durant un forum de métiers. Et là je me suis dit que ce métier de styliste était accessible au commun des mortels (rires). Comme j’ai toujours été persévérante, ma mère m’a fait confiance et je me suis investie dans cette école. Un vrai coup de poker. J’ai alors découvert dans cette école que j’étais faite pour ça. J’ai foncé tête baissée après le bac. Au final, ça a été une grande révélation, une renaissance.
Comme je le disais, je suis fortement inspirée par la culture manga et aussi par mes après-midis passées chez ma grand-mère. J’aime le kitsch, j’aime m’amuser avec le mauvais goût, et j’aime aussi ce qui taquine visuellement. Au départ, l’idée était de piocher trois éléments dans mon univers afin de créer mon thème de collection. Dans ma dernière collection, ces trois éléments étaient « Godzilla », « princesse », et « grand-mère ». Le fait de mixer tout ça a créé une sorte d’unité. J’adore ce qui est kawaii, comme l’univers de petites filles, mais aussi les vieilles tapisseries florales de mamies.
Chewing-gum Prémâché. Quand j’étais adolescente, au lycée, j’étais un arc-en-ciel sur pattes, très provocante et timide. Je trainais avec une bande de potes, et pour me taquiner, ils m’appelaient Chewing-gum Prémâché. Lors de mon entrée à Esmod, je me suis dit que ce côté mignon mais provocateur correspondait parfaitement à mon univers de marque. De plus, l’idée du prémâché représente bien le recyclage et le upcycling. Et puis, j’aime ce côté un peu crado.
Je fais surtout ce que j’aime à travers ma marque. J’ai envie de partager mes valeurs via la création. Aujourd’hui, on ne m’appelle plus chewing-gum prémâché. Je retranscris ma personnalité dans ma marque, non pas via mon surnom, mais plutôt à travers mes valeurs et ce que je veux partager.
Optimisme – Je m’adresse à tout le monde : il, elle, iel, à l’adolescente comme à la quinquagénaire. Leur point commun c’est qu’ils veulent s’assumer, ne pas se prendre la tête, ni se prendre au sérieux. Il y a beaucoup de couleurs, d’imprimés, ça n’est pas plat. Il faut avoir envie de s’amuser, être vivant, aimer la vie pour porter mes créations. La vie est belle, et elle l’est encore plus en choisissant bien ce qu’on achète. Je veux parvenir à instaurer un art de vivre joyeux et optimiste avec ma marque. Bref, j’adore la couleur et l’optimisme.
Barrée et assumée – L’idée est de s’assumer, sans se prendre la tête, et oser les mélanges improbables sans suivre le dictat des tendances. Mes inspirations sont folles, et mes créations visent à attirer les gens un peu loufoques.
C’est une collection hiver de chapeaux uniquement en canevas. Chaque modèle est unique car chaque canevas l’est aussi. Les pièces de base ont été brodées par des personnes différentes, donc personne ne possède le même chapeau. Je suis passé du bob, à la visière, à la capeline, au chapeau de cowboy… je me suis fait plaisir. Le thème était basé sur la chasse. Je ne valide pas cette pratique, mais j’aime beaucoup l’imagerie et la sensation « chez mamie » des tableaux. Beaucoup de pièces réalisées avec des chutes de tissus récupérés chez des couturières sont réversibles. J’ai également utilisé un pantalon de ski pour le côté plus ouatiné et streetwear.
Le canevas, c’est au départ un tableau imprimé sur une toile ajourée, à broder avec un fil épais en demi point de croix. Il peut avoir la taille d’un A5 ou faire plus d’un mètre de long. Il est brodé à la main par des particuliers.
C’est assez grossier lorsqu’on observe d’autres broderies très fines, mais ça dégage quelque chose de très rural, et ça me remémore aussi plein de souvenirs car ma grand-mère avait fait du canevas son passe-temps. Le canevas a un pouvoir kitsch incroyable. La création d’un canevas demande énormément de temps, et beaucoup d’amour.
C’est un chewing gum prémâché dans un coeur en résine, accroché au bob en format porte-clés. Ce sont de vrais chewing-gums. Si on se croise en forum ou en salon, je propose aux personnes intéressées de mâcher leur chewing-gum afin de rendre la pièce encore plus unique.
Oui. C’est difficile de choisir, j’ai deux pièces favorites. Avec un canevas de chasse, j’ai fait une capeline. C’est un bob avec un volant allongé. C’est un chapeau à la fois très sportwear mais aussi glamour. L’intérieur est ouatiné avec de la mousse, comme un pantalon de ski. A l’extérieur, le visuel représente une scène de chasse. J’aime beaucoup la forme et j’aime le maintien que la pièce dégage.
L’autre, c’est mon chapeau de cowboy en canevas avec le dessous en nappe transparente. On peut voir ce qui se passe entre les noeuds du canevas, les changements de couleur. Je n’ai pas fini de publier le shooting photo, donc personne ne l’a encore vu.
Je veux qu’ils se sentent eux-mêmes, uniques. Je veux qu’ils se sentent heureux, et qu’ils ressentent l’amour transmis pour créer cette pièce. Heureux aussi d’avoir choisi une pièce unique. Ce sont des pièces très personnelles. Il y a d’abord la dame qui a réalisé pendant des semaines chez elle ce canevas, il a peut être été accroché pendant des années, toute une vie même, dans un salon ! Puis je l’ai chiné et j’ai choisi spécialement la forme qui lui conviendrait le mieux. Je veux aussi qu’ils se sentent bien protégés du froid l’hiver (rires). Je pense qu’on s’habille pour se faire plaisir. J’aimerais par la suite transmettre des valeurs spirituelles, de bien-être, et rendre les gens plus positifs. Quand tu portes un vêtement de créateur, que tu es le seul à l’avoir sur Terre, tu ne peux qu’être heureux.
La première étape, c’est de faire les brocantes. Je trouve ma matière première l’été, quand je fais des stocks. C’est à partir de ce que j’ai trouvé en chinant que je vais concevoir le thème. Je désencadre les canevas, je les lave et je fais mes patronages et prototypes. Je vois un canevas, je me dis qu’il s’associerait parfaitement avec telle forme ou telle matière. Je fais au feeling, pour me faire plaisir.
Concernant ma marque, j’aimerais me lancer dans d’autres pièces plus artistiques. Par exemple, j’ai fait des cagoules difficilement portables, ou des pièces visuelles qui pourront servir à des fins plus artistiques. Je suis en train de faire des manteaux en canevas, qui seront aussi des pièces uniques et fortes visuellement. L’idée est de continuer sur mes gammes de chapeaux mais aussi de me lancer sur des pièces fortes, tout en travaillant sur le visuel de ma marque.
Pour ma dernière collection, j’ai fait une jupe et une cape en canevas. C’est super beau, mais ce n’est pas facile à porter. Avec les manteaux de formes très actuelles, je voulais atténuer le côté très particulier du canevas. C’est beaucoup de travail, mais ce sont des pièces fortes. De plus, le confinement m’a permis de travailler sur ce genre de pièces qui vont nourrir l’image de Chewingum Prémâché. Elles seront moins accessibles mais seront super belles.
Je me suis fait plaisir en faisant des créations plus osées. J’aurais pu chercher à communiquer plus et à chercher de nouvelles collaborations, mais j’ai voulu me recentrer et mieux cibler ce que je voulais faire, afin de voir si j’étais vraiment en accord avec ce que je veux. J’ai repensé la marque, et j’ai fait de nouvelles pièces pour me faire plaisir.
Quand tu lances ta marque, parfois tu n’as plus le temps de laisser ta créativité exploser. Avec le confinement, ma capacité de production s’est décuplée et je me suis permis de faire des choses inattendues et plus lourdes en heures de travail.
Je travaille énormément sur mes visuels Instagram. J’essaie de créer quelque chose d’impactant, qui marque. J’ai participé à l’Open Mode Festival qui regroupe les jeunes créateurs à la Grande Halle de la Villette. Je suis aussi présente sur une plateforme qui rassemble beaucoup de marques vintages et éthiques (CRUSH’ON). Cela me demande énormément de temps de travailler sur mes pièces, donc je ne communique pas beaucoup. J’ai aussi un site internet sur lequel on peut acheter mes créations : https://www.chewingum-premache.fr/
Captain Fantastic. C’est l’histoire d’un mec qui élève ses enfants en marge de la société, ce sont des hippies. On ressent l’amour, on voit que sans la vision que nous dicte la société, ses enfants ont un mode de vie plus sain. Ce film correspond à mes valeurs.
Je dirais également Matrix. Je pense qu’il faut apprendre à se poser les bonnes questions… et choisir la bonne pilule, si vous voyez ce que je veux dire (rires).
Je serais le Château Ambulant, du film de Miyazaki. C’est une maison magique qui se balade dans la montagne sur ses pattes mécaniques. La porte d’entrée est toute aussi extraordinaire puisqu’elle s’ouvre à l’emplacement d’une maison dans différentes villes. Tu peux vivre dans pleins d’endroits en même temps, tout en restant chez toi, avec pour jardin la nature.
C’est une sorte de camping-car magique, dans lequel tu peux changer la déco à volonté. La maison se module selon tes envies, donc tu peux créer une partie pour ta famille et prendre soin d’elle en faisant le tour du monde.
Oui, c’est une usine à idées. Selon moi, c’est uniquement artistique lorsque le créateur consacre du temps pour développer un vêtement et imaginer ses créations. Le côté industriel et le fait de devoir atteindre des objectifs et respecter des échéances peut casser ce côté artistique. L’industrie a en quelque sorte dépossédé la mode de son âme.
Je leur dirais de vraiment s’interroger sur le quotidien d’un créateur. De voir l’effort que cela demande, et de s’interroger pour savoir s’ils sont vraiment prêts à tout donner pour ça. De ne pas se précipiter, car même s’ils doivent attendre un an avant de se lancer, il faut prendre le temps de poser des bases solides. Il faut aussi bien s’entourer car la mode est un milieu assez intense.