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Clémentine
Clémentine Thierry
Paris | YREN

"Je me suis inspirée de l’histoire d’une femme, Juliane Koepcke, qui a survécu à un crash d’avion dans la forêt Amazonienne et qui a dû y vivre pendant onze jours. L’idée était de définir mes créations avec des codes aventuriers."

Peux-tu te présenter rapidement ?

Je m’appelle Clémentine Thierry, j’ai 25 ans. Je n’étais pas vraiment destinée à faire de la mode, j’ai démarré par une licence de psychologie, et je n’étais finalement pas passionnée par ce que je faisais. J’ai fait une pause durant presque une année, et je me suis rendu compte qu’il manquait une phase créative et artistique dans ma vie. J’ai donc décidé d’intégrer une école de mode. C’est une chose que je ne pensais jamais pouvoir faire, et si je n’avais pas fait ces quatre années de psycho, je ne me serais jamais lancé dans cette voie. À la sortie du Bac, je n’aurais jamais osé. Après 3 ans à ESMOD en spécialité Femme, je suis aujourd’hui en stage chez Berenice, à Paris.

Comment en es-tu arrivée à t’intéresser à la mode ?

Le manque de créativité dans mes études de psychologie était trop important, et j’avais besoin de m’affirmer dans une branche créative. J’ai toujours aimé la mode et la création. C’est surtout la volonté de créer ma marque qui m’a convaincu de me lancer. Après avoir intégré l’école et suivi quelques cours, je me suis rendu compte que je n’étais finalement pas prête à lancer ma marque tout de suite, et qu’il fallait d’abord acquérir un peu d’expérience. Cela viendra peut-être plus tard.

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Quel est le nom de ta marque ?

YREN. Tout simplement car « YR » sont les deux dernières lettres de mon nom, et « EN » les deux dernières lettres de mon prénom.

Trois mots pour qualifier ta marque ?

Minimaliste, expérimentale, et artistique. Minimaliste car ce terme me représente totalement. Je suis une personne simple, et ce trait de caractère se ressentait fortement dans mes créations durant mes années ESMOD. Cela me frustrait car j’avais l’impression de ne rien apporter de nouveau. J’ai voulu me démarquer justement en créant quelque chose d’imposant, avec une certaine valeur ajoutée, tout en manipulant le tissu et la matière. J’ai donc expérimenté le Smock afin de confectionner des pièces fortes.

C'est quoi le SMOCK ?

Le fait de froncer un tissu avec des plis très rapprochés. Dans ma collection « LANSA 508« , j’ai fait une accumulation de smocks sur plusieurs de mes produits.

D’où viennent tes inspirations pour tes créations ?

Lorsque j’ai démarré mon projet, j’avais pour but de développer une collection imposante et en lien avec la nature. J’avais également envie de marquer le public avec une histoire touchante. Je me suis inspirée de l’histoire d’une femme, Juliane Koepcke, qui a survécu à un crash d’avion dans la forêt Amazonienne et qui a dû y vivre pendant onze jours. L’idée était de définir mes créations avec des codes aventuriers. L’accumulation de smocks représente le camouflage que la rescapée a conçu avec la végétation de la forêt durant cette lourde épreuve.

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Juliane Koepcke, suite au crash du vol Lansa 508 - Forêt tropicale péruvienne, 1971

Quelle est la pièce favorite de ta collection ?

Le blouson, entièrement brodé de smocks à la main. Ce blouson est asymétrique et se porte sur une seule épaule. Ce côté déstructuré et tombant représente le crash d’avion et le déséquilibre que la rescapée a ressenti durant la catastrophe.

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Blouson asymétrique, entièrement brodé de smocks.

Quelles sont les étapes essentielles lorsque tu te lances dans un projet ?

Tout d’abord, bien comprendre et maitriser son histoire. Je savais dès le départ que je voulais faire une manipulation textile, ce qui m’a permis d’être à 100% sur le projet. Je voulais m’orienter vers un univers artisanal, pour cela, j’ai donc effectué une grande et longue série de tests d’effets matières, jusqu’à obtenir un résultat satisfaisant : le smock.

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Premières inspirations pour la collection "LANSA 508"

Je n’ai pas de procédure purement définie car il y a bien sûr des périodes de doutes, des retours en arrière. Si je devais définir les étapes dans l’ordre je dirais que je démarre par des collages assez minimalistes sur Photoshop, avec les tissus et les couleurs choisis au préalable. Pour ma collection, j’ai choisi des coloris qui s’apparentent à la nature et à mon histoire : le marron, les nuances de beige, le blanc etc. Ensuite, je trie les collages et je vais un peu plus en profondeur en analysant les détails et en définissant ce que je veux représenter sur chaque produit. Je mets les dessins à plat sur Illustrator, et je passe à la partie modélisme. Ensuite, j’effectue la coupe à plat, et une fois que c’est au point, je réalise le premier prototype en toile. Après plusieurs phases de vérification, arrive le produit final.

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Collages réalisés par Clémentine pour sa collection "LANSA 508"

Quels sont tes futurs projets ?

Enrichir mon expérience en travaillant avec des entreprises. Comprendre tout le processus d’une collection : de la création à la commercialisation. C’est justement ce que j’apprends aujourd’hui avec Berenice. J’aimerais aussi continuer à travailler sur YREN en parallèle car j’adore m’y consacrer. C’est une fierté personnelle.

Où aimerais tu enrichir ton expérience ?

J’aimerais beaucoup travailler chez Isabel Marant. Elle est très innovante tout en restant minimaliste, et je me retrouve beaucoup dans les couleurs qu’elle affectionne.

Comment communiques-tu ?

Je communique beaucoup via Instagram. Et j’ai surtout eu la chance de gagner trois prix durant le défilé ESMOD : le prix ISSI MAGAZINE (magazine de mode lillois), dans lequel je suis apparue deux fois ; le prix « coup de cœur » de Maisons de Mode, ce qui m’a permis d’exposer mes pièces durant un défilé ; et le prix de l’enseigne Jules.

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Quel est ton designer préféré ?

J-ANT. C’est une marque expérimentale qui joue beaucoup avec le côté artisanal, dont les smocks.

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J-ANT. AMID CULTURES LOOKBOOK

Quelle serait la collaboration de tes rêves ?

Je dirais YOJIRO KAKE, pour son attrait à l’art et sa recherche de nouvelles techniques innovantes. Mais partager mes produits au sein d’un univers artistique tel que le cinéma, le théâtre, le monde musical etc serait une grande fierté pour moi et donnerait d’avantage de sens à mes créations.

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YOJIRO KAKE

Des conseils à donner aux jeunes créateurs ?

Ne pas avoir peur de l’échec. C’est impossible d’y arriver du premier coup. C’est très frustrant de devoir recommencer de nombreuses fois avant de parvenir au résultat final, mais il faut passer par là, cela fait partie du processus de création. Et surtout, il ne faut avoir aucun regret.

Vendrais-tu ta première collection ?

Je serais ravie de refaire certaines pièces pour les vendre. Par contre, on a souvent toujours tendance à vouloir garder nos pièces originales car c’est sentimental.

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La création mode est-elle un art ?

Oui, car elle nous permet de nous exprimer, d’expérimenter, et d’innover. 

Photographe : Stevens Fievet | HMUA : Manon Olivier | Mannequins : Clémentine Hainaut, Aïda Atarssa, & Lou Bessman