"Je m’appelle Florian Sicard, j’ai 38 ans, et je suis le créateur et fondateur de Etablissements Pardi. Je ne voulais faire figurer ni mon nom, ni mon prénom dans le nom de ma marque. Malgré le fait que je sois passionné, je pars du principe que mes créations, c’est mon travail, ce n’est pas moi. Je voulais évoquer l’idée du voyage, de la traversée, tout en restant simple."
Ma première famille, c’est d’abord l’art contemporain. J’ai fait les Beaux-Arts de Paris, dans le pôle artistique “performance”. Au fur et à mesure des représentations, j’ai constaté que je fabriquais de mes mains beaucoup de choses liées aux costumes, aux structures, à tout ce qui englobe le corps humain. Il fallait que mes créations soient transportables. J’ai ensuite travaillé à la Gaité-Lyrique, salle de spectacle située dans le 3ème arrondissement de Paris. Tout cela m’a conforté dans cette idée d’esthétique, de mode. Je baignais un peu dans la mode jusqu’à la rencontre d’une dame ayant un atelier de maroquinerie. Elle développe des prototypes pour de grandes Maisons. Je suis tombé amoureux de cet atelier, je lui ai donc proposé d’être sa “petite main”, en échange de l’apprentissage du métier. Un jour, elle me donne rendez-vous à neuf heures pour échanger. Six années plus tard, je travaille toujours dans ce même atelier.
Mes inspirations proviennent essentiellement de l’art, qui reste une famille très importante à mes yeux. J’aime faire des expositions, aller voir des spectacles. Mon autre inspiration, c’est la rue. Lorsque j’évoque la rue, je pense aux travaux, aux tags, mais je ne parle pas forcément des gens. J’adore les gens pour aller boire un verre, discuter, m’engueuler, voyager. Bien sûr, ils m’inspirent aussi, mais tout de même moins que l’art.
Etablissements Pardi. Je ne voulais faire figurer ni mon nom, ni mon prénom dans le nom de ma marque. Malgré le fait que je sois passionné, je pars du principe que mes créations, c’est mon travail, ce n’est pas moi. Je voulais évoquer l’idée du voyage, de la traversée, tout en restant simple. A force de réfléchir à un nom, je voulais que ma marque sonne comme une évidence, d’où le mot “Pardi”. Pour ce qui est du mot “Etablissements”, je voulais que le nom s’associe à cette vague de marques possédant le mot “Maison”, tout en apportant une touche singulière. L’abréviation “Ets” qui peut ressortir de ce mot a une petite connotation mystérieuse qui me plait.
Artisanat, Couleur, et Voyage. L’artisanat est un mot qui a perdu de son sens, mais qui est petit à petit en train de le retrouver. C’était autrefois considéré comme quelque chose de sublimissime, et aujourd’hui cela peut être un produit vendu à 5 balles. Les valeurs de l’artisanat reviennent, avec les idées d’éthique et de savoir-faire. Savoir-faire ne veut pas du tout dire “Made in France”, cela n’aurait aucun sens. Un savoir-faire peut être chinois, américain, hongrois etc. Lorsqu’un tee-shirt a été produit avec du coton équitable, qu’il n’a pas fait 10 fois le tour de la Terre, et qu’il n’a pas nécessité des millions de litres d’eau, j’approuve l’emploi de ce genre de termes. L’artisanat véhicule justement cette idée de savoir-faire.
La couleur car je trouve qu’il n’y a rien de pire que de vivre dans une ville comme Paris, et d’être uniquement lié au gris, au noir. Pour les accessoires que je crée, j’aime me dire qu’ils seront un “peps”, un plus, comme pourrait l’être un foulard, une paire de chaussures, ou du maquillage de luxe par exemple. C’est un accessoire, autant jouer avec les couleurs. Et enfin, le voyage car j’ai beaucoup explorer et j’espère continuer encore un moment. Rencontrer des gens, traverser des paysages, tout cela est primordial pour moi. Découvrir d’autres cultures et d’autres possibilités de vivre me paraît indispensable.
Il y a deux endroits qui m’ont particulièrement marqué : le sud du Japon, et l’Islande. Le paysage du Japon est très particulier car tu as en même temps un sentiment d’isolation, et tu retrouves une sorte de pauvreté dans l’élégance. J’ai visité des endroits où la vie n’avait pas l’air idéale, mais la simplicité de la population m’est apparue comme une forme d’élégance. La moindre construction, le moindre déplacement, la manière de s’adresser à l’autre, tout apparaît comme extrêmement simple. En ce qui concerne l’Islande, j’avais pour intention de faire le tour du pays en une semaine, dans un Kangoo transformé pour l’occasion en camping-car. En roulant, j’avais l’impression d’être dans la forêt amazonienne, puis deux heures plus tard dans les glaciers de l’Antarctique, et soudainement dans un désert égyptien, pour finir sur les plages noires du sud de l’Italie. J’ai réalisé un rêve de gosse, dans ce pays où les gens m’ont très mal accueilli, car veulent sans doute préserver l’un des plus beaux endroits du monde.
Mon souhait est que les gens qui portent mes pièces soient des personnes avec de l’humour.
La couleur et la géométrie.
A l’heure actuelle, non. Quelque chose me rebute avec le prêt-à-porter, c’est le stockage que provoque la notion de taille.
Je suis rentré dans le syndicat “Ateliers d’Art de France”, ce qui m’a permis d’accéder à un réseau de boutiques intéressant. J’en ai contacté quelques-unes, et inversement. Il m’est également arrivé d’envoyer une pochette pour l’anniversaire de la directrice d’une boutique, ce qui nous a amené à collaborer par la suite. Ça ne fonctionne pas toujours, mais ça vaut le coup.
Être heureux, gagner beaucoup d’argent (rires). Plus sérieusement, j’aimerais que ma marque soit plus stable. Je voudrais la développer un peu plus comme une identité, un label, plutôt que comme une marque. Pour cela, je travaille sur une forme d’édition. Je souhaiterais également pourquoi pas développer un nouveau sac.
Je parle beaucoup, je communique essentiellement sur Instagram en termes de visuel mais aussi de vente. Mon réseau de boutiques m’aide aussi à vendre mes créations. J’ai un site mais il n’est pas le canal principal, chose qui devrait changer car j’aimerais le rendre plus accessible.
Bien sûr, la mode répond d’ailleurs à la définition d’artisan. Dans la mode, l’importable est faisable, comme une structure.
Les 70’s car il y avait une certaine insouciance, une envie de renouveau, le tout dans une période d’évolution technologique.
J’aimerais bien collaborer avec Cartier. Ils développent de très vieilles pièces qui peuvent parfois manquer d’originalité, mais je suis complètement attiré par l’antagonisme. Cartier est d’ailleurs mon parfum depuis 20 ans. Sinon, j’aimerais aussi travailler avec Sigourney Weaver, l’actrice qui joue dans “Alien”.
À l’heure actuelle, il y a une marque que j’apprécie pour son côté vintage et cette nouveauté, c’est Courrèges. C’était une marque française développée par un couple qui a fait un grand boom dans les années 60. Ils avaient une vision bien plus élargie de la mode. Ils ont imaginé et construit une voiture, ils font partie des premiers à avoir développé des mini-jupes en vinyl, ils faisaient porter des casques intergalactiques à leurs mannequins… c’était la science-fiction de l’époque avec une touche pop. Le renouveau de Courrèges m’inspire. Pierre Hardy est un créateur qui m’inspire aussi, et j’aimerais même le rencontrer car c’est un grand passionné d’art. Il me parle esthétiquement, car il fait des chaussures avec une certaine forme de symétrie, de simplicité, et avec beaucoup de couleurs.
Hors mode, la culture cinématographique est une très grosse source d’inspiration. Je suis un grand fan de James Bond, et de “Chapeau melon et bottes de cuir”, qui sont pour moi des références ultimes (rires). Deux autres films m’ont également inspiré esthétiquement : “Gloria”, de John Cassavetes, et le premier volet de la saga “Alien”, avec Sigourney Weaver.
Foncez dans le tas ! Pas de regrets, et ne pas se poser de questions !