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Camille Jaillant
Paris | Olistic The Label

"Ma passion pour la mode durable et éthique a fait naître l’envie de créer ma propre marque. En Inde, le rapport au vêtement est totalement différent. C’est un produit qui a une histoire, c’est un héritage. C’est surtout ce choc culturel qui m’a amené à créer des collections naturelles et biodégradables, ayant un impact social positif pour ces pays en développement. A mon retour en France, j’ai commencé à créer mes premières pièces avec de la soie naturelle, biologique et biodégradable. Je voulais proposer des pièces alliant l’esthétisme et la durabilité."

Peux-tu te présenter rapidement ?

Je m’appelle Camille Jaillant, je suis créatrice de la marque Olistic the label. C’est une marque française, éthique, proposant un luxe durable intemporel. Je développe des pièces produites avec de la soie 100% naturelle, certifiée GOTS (GLOBAL ORGANIC TEXTILE STANDARD). J’utilise également de la fibre de bois, appelée “lyocell”, qui est une matière innovante écologique. Pour certains produits, j’utilise aussi des chutes de cuir de Maisons de luxe, de tanneries françaises et italiennes, que je recycle pour créer des pièces uniques.

Comment en es-tu arrivée à t’intéresser à la mode ?

J’ai été très inspirée par ma grand-mère, ancienne couturière pour des Maisons de luxe, qui m’a permis d’entrer dans le bain depuis toute petite. J’ai travaillé pour Prada à New York et Louis Vuitton dans le développement de produit, mais également chez Chloé et Isabel Marant en marketing et en production. J’ai toujours été très proche du producteur et du produit, ce qui m’a permis de découvrir des artisans uniques, des manières de travailler différentes. Après ces différentes expériences, j’ai voyagé en Asie (Inde, Birmanie, Thaïlande, Singapour, Indonésie…), et j’ai eu un déclic durant mon périple. Cela a éveillé une réflexion sur l’impact que le produit de mode avait sur la vie d’autres personnes : où la pièce est réalisée ? Qui la produit ? Dans quelles conditions ? Quelle est la composition de la matière ? J’ai voulu revenir à l’essentiel.

Un produit de luxe est un produit qui nécessite du temps et du savoir-faire afin d’être créé. De ce fait, le travail de qualité fourni par les locaux doit leur être justement payé. En Inde, j’ai pu découvrir leur approche par rapport à la soie et la sériciculture organique. Puisant dans la profonde tradition védique de “l’Ahimsa“ qui signifie non-violence, la matière est traitée sans tuer le ver à soie. Il n’est pas nécessaire de tuer la chrysalide pour récupérer la soie puisque les vers à soie peuvent ramper à l’extérieur du cocon grâce au perçage du cocon préalablement fait par les artisans.

Je me suis entièrement questionnée sur ma façon de consommer et de voir le vêtement. En Inde, le rapport au vêtement est totalement différent. C’est un produit qui a une histoire, c’est un héritage. C’est surtout ce choc culturel qui m’a amené à créer des collections naturelles et biodégradables, ayant un impact social positif pour ces pays en développement. Plus de millions de microparticules sont déversées chaque année dans les océans et rivières. Je refusais de participer à cette pollution avec l’utilisation de matières synthétiques. A mon retour en France, j’étais frustrée de pas ne pas trouver des vêtements élégants et certifiés bio. J’ai eu l’envie de créer une collection intemporelle alliant esthétisme et durabilité. J’ai commencé à développer mes premières pièces avec de la soie naturelle, biologique et biodégradable dans mon atelier parisien.

Il y a énormément d’opportunités dans le luxe durable aujourd’hui ! Tout est à écrire.

Du Marketing à la création, comment en es-tu arrivée là ?

J’ai commencé mon cursus à l’Edhec à Lille avec une spécialisation en mode et luxe. En parallèle de mes études, j’ai voulu compléter le coté business avec le côté créatif, j’ai donc suivi des cours de stylisme/modélisme avec un designer indépendant, ce qui m’a permis d’apprendre directement avec lui. J’ai également bien sûr grandi de mes différentes expériences dans l’industrie du luxe, passant par le développement produit, le marketing, la production… Je suis partie en Australie pour faire un Master en entrepreneuriat mode, à RMIT l’université de Melbourne.

Aujourd’hui, j’utilise ces compétences acquises dans le luxe, et je démocratise ce secteur en modifiant la matière première, et en y instaurant une touche durable. Je réalise toutes mes pièces à Paris, et je les fais produire au Portugal, dans un atelier familial qui travaille avec de grandes marques de luxe.

Quel est le nom de ta marque ?

Olistic the label. En français, holistique est un adjectif qui évoque une totalité, un cycle de vie où l’être humain est en harmonie avec son environnement, où tout a son importance: nos relations avec les autres, ce que l’on mange et consomme, nos destinations de voyage… tout a un impact sur notre personne, notre entourage, et sur l’environnement. J’ai une vision holistique de la mode, et je suis très exigeante sur le fait que tout doit être pris en compte. De la matière première, à la production, jusqu’à la distribution, toute la supply chain doit être controllée. L’emballage de nos produits est fait à partir de plantes biodégradables pour la livraison en boutique. Pour notre packaging, nous utilisons des boites certifiées Forest Stewardship Council FSC, du papier de soie et du raphia. Les étiquettes de la marque sont faites avec de la soie naturelle et des teintures certifiées GOTS. Concernant le choix des matières, c’est un challenge car j’ai moins de possibilités au niveau de la couleur et des fibres, mais je joue avec cette complexité pour produire uniquement des produits à faible impact. Je pense que l’industrie va se développer et qu’il y aura de plus en plus de possibilités. 

“The label” exprime ce label de garantie, de qualité. Mes clients peuvent me faire confiance par rapport à la traçabilité de mes produits, tout au long de leur chaîne de production.

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Quelles sont les valeurs derrière Olistic the label ?

Bienveillance, respect, et plaisir. Je souhaite que les personnes qui travaillent avec moi prennent du plaisir. Durant mes expériences dans le luxe, j’ai parfois connu des environnements très durs. Je voudrais que les mannequins, les photographes, et tous ceux impliqués dans ma marque s’expriment, se dévoilent. Une équipe de passionnés en somme ! Je trouve que la mode ne doit pas être une chose si sérieuse, mais plutôt quelque chose d’agréable, où le plaisir et l’humain priment avant tout.

C’est quoi le slow fashion design ?

Il est important de rappeler qu’il y a différentes facettes pour être “sustainable” aujourd’hui. Une mode naturelle, upcyclée ou recyclée. Ce que je fais, c’est utiliser des fibres naturelles certifiées biodégradables qui proviennent de la nature, et repartent à leurs origines. La cycle de production est donc fermé. Aucune substance toxique n’est rejetée dans les terres ou les océans. En utilisant des fibres biologiques telles que la soie de la paix ou la fibre de bois, nous réduisons notre impact sur la Terre. Le slow design, c’est prendre le temps de concevoir, de réfléchir au patronage pour réduire les chutes. C’est aussi le retour à l’artisanat, au fait main. Par exemple : en Inde, l’extraction des fils de soie est faite par des artisans à la main.

Olistic propose également de l’upcycling. Nous récupérons les restes de cuirs de tanneries de luxe en France et en Italie afin de créer des pièces uniques. Au lieu de polluer les terres, la matière est réutilisée et valorisée dans un produit de mode. Le but est d’utiliser de l’ancien pour créer du nouveau. Nous considérons les chutes comme une matière noble, qui ne devrait être ni jeter, ni brûler.

D’où viennent tes inspirations pour tes créations ?​

Le bouddhisme et les principes liés au yoga m’inspirent beaucoup, mais ma source d’inspiration première, c’est l’Inde. Je travaille avec des femmes artisans qui conçoivent la “peace silk” (en français “soie de la paix”), à travers un processus inspiré du bouddhisme dans lequel on ne tue pas l’animal. L’animal est sacré en Inde, à l’image de la vache qui jouit d’un statut particulier, et qui est totalement vénérée. La nature est également une grande source d’inspiration, et je transmets cela dans mes créations. J’exerce ce qu’on appelle le biomimétisme, un processus qui allie innovation au respect de l’environnement, en s’inspirant des formes et des matières issues de la nature.

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Quelle est ta pièce favorite dans tes collections ?

Pour le haut, ma pièce favorite est “Pupae Silk Top”. C’est une pièce élégante, nouée dans le cou, avec une soie épaisse, que tu peux associer avec différents styles et vêtements. Quelle que soit la taille, ou le type de poitrine de la personne, elle est très facile à porter car simple à ajuster. En ce qui concerne la jupe, ma pièce préférée est “Caelum Silk Skirt”. Elle est transparente sur les côtés, et coupée avec quinze points de soie, ce qui représente un énorme travail de confection. C’est une pièce très fluide, volatile, avec un effet craquelé sur la mousseline, s’inspirant de l’élément « air« . Elle peut convenir à un mariage, mais on peut également l’accessoiriser avec des baskets pour casser le côté glamour.

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Pupae Silk Top
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Caelum Silk Skirt

Pupae ? Caelum ?

Pupae, en français “pupe”, est l’étape intermédiaire durant laquelle la nymphe s’immobilise dans son cocon, afin d’éclore et devenir un véritable papillon. Caelum signifie “ciel” en latin, d’où le côté très volatile de la pièce.

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Pupae Silk Top
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Caelum Silk Skirt

Quelles sont les étapes essentielles lorsque tu te lances dans un projet ?

Afin de créer, j’ai besoin de me ressourcer. Je suis une surfeuse, et passer du temps dans l’océan m’aide justement à démarrer un nouveau projet. Étant donné que je m’inspire de la nature, des sons, des formes, des textures, je trouve cela important de passer du temps dans un environnement extérieur, calme et aéré. Une fois installée dans la nature, je dessine des motifs, des formes de vêtements, et je cherche des matières naturelles. Il y a deux possibilités : soit je pars d’une matière qui m’inspire et je design la pièce, soit je suis inspirée par des éléments de la nature qui me font penser à une pièce, et j’utilise ces éléments avec la matière.

Ensuite, je dessine la pièce et je développe un premier prototype que je teste sur une mannequin. Il y a ensuite l’étape de rectification dans laquelle j’effectue des modifications, ou décide finalement de ne pas développer la pièce. Je donne alors le prototype à la production au Portugal. Une première pièce est créée, avec quelques dernières rectifications par la suite. Et enfin, la pièce finale passe par l’étape de “normalisation”, qui s’apparente au passage de la taille mannequin à la taille classique (34 – 36 – 38 – 40 etc).

Comment communiques-tu ?

Mon premier réseau est Instagram, Linkedin, et je communique également à travers mon site internet. Il me permet de trouver des partenaires, des collaborations, des maquilleuses et photographes, et d’avoir une conversation avec mes clients. Je suis également consultante en mode durable pour Zoi Environment, NGO soutenue par les Nations Unies. On me retrouve également via des articles, notamment Vogue et Femina. Ma marque a aussi été partagée par des influenceurs qui apprécient mon travail et l’impact social de mes créations. La Fashion Week de New York a également permis à Olistic The Label de gagner en visibilité. Engagée et passionnée par la sustainability, j’ai participé en tant qu’oratrice au sommet des Nations Unies pour le climat à New York et à l’assemblée des Nations Unies au Kenya.

Qui sont tes designers préférés ?

J’adore Edun, Haider Ackermann, mais surtout Stella McCartney. Elle est très engagée auprès de l’ONU et utilise des fibres durables et innovantes, notamment le bois et la soie. On a d’ailleurs le même producteur sur certains textiles. C’est une femme qui a des convictions et qui sait en faire un business. Pour moi, le sustainable est un marché grandissant qui deviendra bientôt la norme. Beaucoup de personnes craignent le côté non rentable que peut laisser paraître le sustainable, mais les faits sont là : beaucoup de marques arrivent aujourd’hui à générer de l’argent avec des produits responsables.

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Stella McCartney

Quelle serait la collaboration de tes rêves ?

Je pense à deux personnes. La première, c’est bien sûr Stella McCartney. La seconde, je dirais Yann Arthus-Bertrand. Ses photos me fascinent, et je verrais bien mes modèles poser pour le genre de photos qu’il réalise. J’ai un côté aventurière, et je pense que si je n’étais pas créatrice de mode, je serais backpackeuse (rires). Il m’inspire beaucoup car il a mis sa vie pour cette cause, pour la protection de l’environnement et le respect des humains. Il a mis en avant des portraits de femmes/hommes/enfants, et va lui aussi “à l’essentiel”.

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Cliché réalisé à la réserve du Masaï Mara - Yann Arthus Bertrand - Kenya,1978.

Si tu étais une période de l'histoire d'un point de vue mode ?

Notre époque actuelle. Il y a tellement de choses à faire aujourd’hui, tellement de challenges. C’est maintenant qu’il faut changer les choses. Être designer de mode aujourd’hui n’a rien avoir le fait d’être designer il y a 10-20 ans. À notre époque, cela a beaucoup d’importance, car nos choix seront notre futur. Nous sommes dans l’ère de la protection de l’environnement, de la valorisation du savoir-faire traditionnel. En tant que créateur, il faut entrer dans ce combat.

La création mode est-elle un art ?

Évidemment. À travers une pièce, tu peux t’exprimer, communiquer, faire rêver. Comme dans l’art, chacun peut avoir sa propre interprétation devant une pièce, sa propre vision. Chaque pièce est unique, et lorsqu’elle a une histoire, elle permet de communiquer des émotions fortes.

Des conseils à donner aux jeunes créateurs qui souhaitent lancer leur marque ?

Créez votre propre histoire, des produits uniques. Rappelez-vous que tout ce que vous produisez a un impact sur l’environnement et sur l’humain. Faites en sorte que cet impact soit positif.

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